Mobilité longue distance et transport aérien

Comme lors du précédent post, commençons par cadrer le sujet avec les éléments factuels que nous donne le Shift Project dans son  Plan de transformation de l’économie française :

  • « Chaque français.se parcourt en moyenne 8 500 km par an pour ses voyages chaque année. Ces longs trajets concernent en majorité des visites de proches, des vacances et des déplacements professionnels ».
  • « 85% des distances sont effectuées en voiture ou en avion. L’avion long-courrier, qui représente 2% des voyages, émet à lui seul un tiers des émissions ».

Les principaux scénarios de l’ADEME en matière de transport aérien

L’ADEME (Agence de la transition écologique) a récemment publié une étude appelée « Elaboration de scénarios de transition écologique du secteur aérien ». De cette étude ressortent trois scénarios principaux, que l’on peut résumer ainsi :

  • Scénario A : Mise en œuvre au maximum le renouvellement des flottes, utilisation des carburants aériens durables (SAF), apport de l’hydrogène… Ce scénario permettrait théoriquement de diviser par trois les émissions de CO2 entre 2019 (28 millions de tonnes) et 2050 (9 millions de tonnes).
  • Scénario B : Mise en place immédiate de mesures de restriction de trafic (limitation des mouvements sur les aéroports, encadrement de la publicité, sensibilisation des voyageurs, bonus incitatif pour prendre le train…) avant que les solutions technologiques prennent le relais.
  • Scénario C : Déploiement simultané des scénarios A et B.

Conséquences de l’exécution des différents scénarios

  • Le scénario A, uniquement technologique (sans réduction du trafic aérien), doit permettre de diviser par trois les émissions de CO2 entre 2019 (28 millions de tonnes) et 2050 (9 millions de tonnes). Mais il bute sur certaines limites. Il y a d’abord un problème de disponibilité des SAF (biocarburants issus de la biomasse ou carburants synthétiques obtenus à partir de captation de carbone et d’électricité décarbonée). En effet, d’autres secteurs économiques sont en concurrence avec le transport aérien pour l’utilisation de ces ressources. Par ailleurs, des technologies comme l’hydrogène n’apporteront vraisemblablement pas d’impact significatif avant les années 2035-2040, sans compter que l’hydrogène ne peut être envisagé que pour des courts ou moyen-courriers qui ne concerneraient, selon les projections, que 7% des vols en 2050. Si, dans le même temps, le trafic continue à croître dynamiquement (le scénario A suppose une augmentation de 16% du trafic en 2030 par rapport à 2019, et de + 95% en 2050). Le résultat estimé de cette projection indique un total d’émissions cumulées entre 2019 et 2050 de 597 millions de tonnes de CO2 rejeté dans l’atmosphère.
  • Le scénario B, quant à lui, a un effet à court terme. Il suppose la mise en place de mesures de réduction du trafic (limitation des mouvements sur les aéroports, encadrement de la publicité, sensibilisation des voyageurs, bonus incitatif pour prendre le train…). L’ADEME estime dans cette projection que les émissions pourraient baisser de 16% en 2030 (toujours par rapport à 1019), avant de remonter légèrement ensuite, jusqu’à atteindre un léger + 4% en 2050. Dans ce scénario, on arrive à une « production » globale de 451 millions de tonnes de CO2 entre 2019 et 2050, à comparer aux 597 millions de tonnes du scénario A. C’est mieux, mais il y a fort à parier qu’un tel scénario aurait des conséquences négatives importantes en termes économiques, et risquerait de se heurter à une forte résistance sociétale.
  • C’est pourquoi le scénario C imaginé par l’ADEME mêle des caractéristiques des scénarios A et B : améliorations technologiques et modération de la croissance du trafic aérien (au lieu d’une franche réduction de celui-ci dans le cas du scénario A). Dans un tel scénario, l’ADME estime que l’on peut arriver à un niveau d’émissions cumulées légèrement moindre, avec 582 millions de tonnes entre 2019 et 2050.

Et le prix dans tout ça ?

Dans tous les scénarios, les tarifs du transport aérien sont susceptibles d’augmenter de façon significative :

  • Les nouveaux carburants coûteront plus cher que le kérosène (entre trois et huit fois le prix selon le type de carburant)
  • Les investissements nécessaires à renouveler les flottes d’avion (comportant des moteurs fonctionnant avec ces nouveaux carburants) seront très importants.

Par conséquent, il est plus que probable que les prix des billets d’avion augmenteront de façon importante, ce qui entraînera de facto une baisse importante du trafic, sans même imposer les mesures coercitives proposées dans le scénario B. D’après l’ADEME, l’effet prix pourrait entraîner à lui seul un écart négatif de croissance du trafic aérien de l’ordre de 34% en 2050.

Conséquences

Le transport aérien est sujet à de vifs débats, en particulier à Toulouse, fief de l’industrie aéronautique française, où se tiendra l’évènement Act For Climate, organisé par l’association Planet’RSE Toulouse, du mercredi 16 au vendredi 18 novembre prochain. Gageons que l’intelligence collective suscitée par cet évènement contribuera à éclaircir les termes de ce débat.